ce 26 Février 1825.
Je Vous adresse cette lettre bien estimable Monsieur Thorwaldsen du Sommet du Simplon où nous nous sommes arrêtés pour passer la nuit. Tandis que le Vent Siffle et que tout le monde dort, je m’entretiens la plume en main avec mes amis. Ma pensée s’est donc naturellement dirigée vers Vous, et avant de me voir séparée par les montagnes de la belle Italie je Vous adresse mes Adieux et mes sincères regrets de ne pouvoir plus jouir de Votre Société où j’ai trouvé tant d’intérêt. – Malgré tout l’empressement que je mets de me rendre à Londres, malgré le vif désir que j’ai de me retrouver dans ma Patrie, je Soupire après Rome et me croirois heureuse de m’y retrouver. Je l’ai quitté les larmes aux yeux et l’âme opressée. Eprouvant bien des fois ce Sentiment, j’ai lieu de me convaincre que la tranquilité n’est pas mon partage.
Vous ne Serez pas fâché d’apprendre que mon Concert à Venise a bien réussi. Les célèbres chanteurs David et Tamburini se sont plû à me seconder, ce qui a rendu la Soirée interéssante. – Je Suis enchantée de Venise. C’est une Ville unique dans son genre. – Il semble que Dieu l’a fait sortir des flots au moment de la création du monde. Elle est trop magique pour être l’ouvrage des hommes. Je ne devrois pourtant pas douter de ce qu’ils sont Capables de fairè, ayant admiré Vos grands et Sublimes Ouvrages. – J’ai répété plusieurs fois devant mon frère que je regrette sincerement de n’avoir pas volé un petit caillou de Pompeia pour Souvenir; il vient de me donner une lettre en bronze qui tenoit à une grande jatte recemment découverte dans les bains et qu’il n’a pas eu de Scrupule d’emporter. J’ai accepté cela avec plaisir dans l’intention de Vs. l’offrir un jour. – C’est un A. – Comme cette lettre est l’initiale du mot, amitié, admiration, attachement, je puis bien Vs. la destiner. Au Surplus cela pourroit encore Servir à Rome. Rappellez Vous de cela sans Vs. en offenser. C’est un hommage Sincère et qui part de coeur. Contrariée dès mon jeune âge dans mes Sentiments j’aime malgré mes Scrupules à m’en rendre compte à moi-même: – Vos nombreuses occupations ne Vs. permettront pas d’écrire quelque fois à l’Artiste Polonoise. Elle n’ose l’exiger d’autant plus qu’elle se flatte que Vous lui conserverai un peu de Souvenir. Cela n’empêche pas qu’elle se réclame la permission de Vs. adresser de tems en tems quelques lignes. Si on m’otois la jouissance de m’entretenir quoique de loin avec ceux que j’aime que j’estime, je me croirois seule au monde …
Je finis mon radotage en Vs. assurant de mon amitié sincère et durable. Soyez toujours bon et indulgent pour moi, et conservez moi Votre bienveillant intérêt.
Je compte voir en passant par Génève la Ctessa. Vladimir Potocka, et lui porter la douce nouvelle que la monument que j’ai vu à Rome, est digne du Guerrier et de celui qui l’immortalise. –
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