[Rejseoptegnelse 25.12.1819:]
Pour ne pas perdre l’occasion d’être present au fêtes religieuses qui se donnent au Noël je me rendis après minuit dans l’Eglise St. Louis des franҫois, où on disait la Messe. L’église étoit extrèmement remplie, et on ne trouvait aucune place sur le pavé, on nous conduisit dans une tribune occupée par l’Envoyé de Portugal, mais voyant que nous n’y étions pas trop bien vu nous cherchiâmes une place sur l’orgue, d’où on avait une vue étendue sur toute l’Eglise. Il n’y avait pas de Musique outre l’orgue (qui contrefesait je ne sais comment le sifflement des oiseaux); nous ne restâmes pas longtems la Messe n’ayant aucun intérêt pour nous.
À 5 heures nous nous rendîmes, (le Pr. Benth[eim], les dames et Adler), à l’église de St. Marie Maggiore, et nous trouvâmes très bonne place dans le coeur, où les Chanoines chantaient «les heures» et de même plus tard dans la Chapelle [Santa Croce] où l’Evêque [navnet mgl.] disait la Messe après que la crèche de notre Seigneur, une relique bien précieuse lorsqu’on a la véritable croyance, eut été portée en procession de la sacristie dans cette chapelle où elle fut exposée sur l’Autel, enfermée dans une vase du verre avec des ornements en bronce et l’enfant Jésus en cire sur le couvercqle. La Messe étoit accompagnée d’une assez bonne musique et quelques bonnes voix, mais du reste je ne puis exprimer combien je me trouvais excédé en voyant de près toutes ces cérémonies plus juives que chrétiennes et que les eclésiastiques exécutent comme une scène dramatique sans que ni eux ni les spectateurs y prennent part avec des sentiments religieux. Une scène assez plaisante attirait l’attention de l’auditoire dans la chapelle avant l’arrivée de la procession. Un bon bourgois avait abonné quatres places sur un banc lesquels furent occupés par un autre accompagné de deux Dames. Le premier réclama ses places que le Sacristain lui avait assigné, le Possesseur répondit que tout le monde avait le même droit sur les places dans l’église et qu’il ne céderait pas, l’autre aigl’it lui dit, qu’il n’avait qu’à donner patiance qu’il lui montrerait ses droits; il chercha le sacristain mais en vain, enfin celui-ci amen a la garde, et le possesseur et ses dames furent formellement délogés du banc, où l’autre prix sa place d’un air triomphant. Nous avions heureusement de la place dans les chapelles, car de rester au delà auroit été insoutenable tant la foule étoit grande, et quelle foule! Celle de la plus vile canaille qui infestait l’air par sa saleté et par de mauvaises exhalaisons, une grande partie du peuple étoit etendue à dormir et de la dévotion ne se trouvait nulle part.
A 10 heures et demi nous nous rendîmes à la Chapelle du Pape au Quirinal pour y assister a la grande Messe. Nous vînmes de bonne heure, et plusieurs cardinaux arrivèrent après nous; tous s’agenoullayent-ils en entrant, et puis les autres se levoyent pour les saluer. Le Sénateur de Rome vint avec quatres pages, chaque cardinal avec son [cherichetto], qui se plaҫait sur une marche à ses pieds. De l’entrée des apartemens du Pape vint le Cardinal Evêque, Pacca, qui devait officiel’, suivi de la Gour eclesiastique, les Chapelains & c. du Pape. Devant le Pape même se portait la Croix et le Chapeau rouge, et Sa Sainteté avait la Triare sur la tete, mais lorsqu’il s’agenoullait devant l’autel on le Lui ota et on Lui posa un bonnet d’Evèque sur la tete lorsqu’il se releva pour aller se placer sur le trône au côte droit de l’Autel. Le Pape étoit soutenu de deux cardinaux et paraissait très faible, pàle mais ses traits sont pleines de bonté. Sa suite consistait en 20 personnes à peu près. La première cérémonie tandis que la musique se faisait entendre étoit le baissemain accordé à tous les cardinaux, cela veut dire sur la croix du manteau que S. S. leur tend sur la main droite. Puis le cardinal lisait la Messe avec toutes les cérémonies usites, et cinq a 6 cardinaux (parmi lesquels Gonsalvi) ainsi que les [éclesiastiques] de service chez le Pape communièrent. Les Evêques ou prêtres, qui portèrent des livres ou des outils à benir au Pape, baisèrent la croix sur sa pantoufle; l’emhracement fraternel que donne le Pape à la fin de la Messe à un cardinal, et donné par Lui à un autre, et ainsi cet action de grace fait le tour d’un à l’autre. A la fin le Pape donna la bénédiction, et tout catholique se prosternait. La prière du Pape devant l’autel, tandis que tous les cardinaux et éclésiastiques étoyent agenoullés dura longtems, enfin Sa Sainteté se retira, et tous les cardinaux s’en alèrent, comme ils étoyent venus. La musique purement vocale étoit belle, il y avait deux voix sopranes, mais pas de la prèmiere beauté. Le culte en soi ne peut en aucune manière m’édifier.
Après la Messe nous nous rendimes, tel que le Pape nous l’avait accordé il notre demande, à une audience particuliaire dans les appartemens de Sa Sainteté. Un cavalière, qui nous avait reҫu au bas de l’escalier et conduit dans la tribune, nous suivit, et dans les antichambres vint à notre rencontre un autre Monsignore et le Camerlingue Monsignor Riario, qui nous conduisèrent par plusieurs antichambres où se trouvaient des differends drabants, officiers et employes de la Cour de Sa Sainteté. Entre l’antichambre et le cabinet du Pape est une petite chambre, et ce fut dans celui ҫi que le Saint Père vint à notre rencontre et nous souhaita le bienvenu. Je lui temoignait le prix que nous attachions à pouvoir nous présenter devant Lui. Il nous conduisit dans son cabinet et fit entrer mon Epouse la prèmiere. Il s’assit, sa table de travail devant Lui, et deux chaises étoyent placés à côté pour nous. Sa Sainteté ne parle que l’italien, mais il comprend le franҫais tout comme nous comprenons l’italien sans pouvoir le parler encore. La conversation allait ainsi un peu en boitant, mais toujours elle allait. Mon Epouse lui fit un compliment sur la joie que lui causait la bonne santé, dont Sa Sainteté paraît jouir, ce qui Lui donna l’occasion de parler des soufrances qu’il avait enduré ayant dû faire ces voyages forcés, maltraite en toute faҫon des franҫais. Je lui repondit en assurant Sa Sainteté de la vive participation qu’avait excité sa situation d’alors et de l’admiration qu’il avait receulli de l’Europe entière. Il demanda des nouvelles de la santé du Roi, que je lui dis aprendrait avec grande satisfaction que j’avais eu l’honneur de me présenter à S. S. Il parlait de notre voyage, du climat, je lui dis avoir visité le Musée Chiaramonti en admirant tous les chef-d’oeuvres, qui s’y trouvent. Enfin Il fit mine de terminer la conversation, et je demandis à Sa Sainteté la faveur de Lui présenter ma suite. Il sonna et les fit entrer, sur quoi mon Epouse lui présenta sa Dame d’honneur, madsl. de Walterstorff et moi monsieur de Bourke, Envoyé du Roi à la Cour de la Grande Bretagne, le baron de Schubart, Envoyé du Roi en Italie, le chambellan de Kaas, mon secretaire Adler et l’agent du Roi chev. Brøndsted ainsi que le consul Chiaveri (qui baisa la main au Pape). Je ne sais, si S. S. ne s’attendait pas à voir la Dame mais il en parut frappé et s’adressa d’abord à moi pour que je lui présente les messieurs. Sa Sainteté nous reconduisit jusqu’à la porte de la petite chambre en fesant devancer mon Epouse et me tenant par la main. Puis Il se retira, et nous nous fîmes notre complimens. Brøndsted Lui baisa encore en passant la main. Les mêmes messieurs, qui nous avaient reҫus nous reconduisirent par les antichambres. Sa Sainteté a l’air très vénérable, faible par son grand âge, mais fort par le repos d’âme qui est empreint sur sa figure. Il portait un habit de Prêtre de drap blanc et par dessu une mantille de velour cramoisi avec une bordure de pelisse blanche (comme au portrait de Jules 2 par Raphael) et des pantoufles rouges brodés en or. La Calotte blanche. Après notre retour du Quirinal nous visitâmes encore les atteliers de Thorvaldsen, une jouissance à nulle autre egale, et que la présence du sculpteur seule aurait pu rehausser encore, mais ses ouvrages parlent avec l’expression de toute son âme à quiconque a du sentiment pour les grandes beautés de l’art de la sculpture. Le génie du grand Sculpteur se développe surtout dans ses bas reliefs, tous ont du mérite, les quatres destinés pour le Château du Roi de Danm., et qui ne manquent que la retouche, sont des plus beaux; un des ses derniers ouvrager[s], Vulcain, qui forge les flèches que Vénus rend ardentes et que l’amour donne à Mars est charmant comme la nuit et le jour ouvrages tant vantées, mais l’Entrée triomphale d’Alexandre à Babylon est toujours son chef-d’oeuvre; dans l’attelier, où on le voit par mprceaux ne fait-il pas encore l’effet qu’à l’endroit même, où il doit être place. (On travaille a le mettre en marbre pour le marquis Sommariva, l’exemplaire que le Roi a commandé devant être dans une plus grande dimention). Ses statues attestent plus encore sa force dans le dessein du corps humain, et le principe que la belle nature est le suprême modèle du sculpteur est empreint dans tous ses ouvrages; il est impossible de rendre les belles formes du corps humain plus correctement que le rendent son Mercure et sa Vénus. Ce sont des chef-d’oeuvres de l’art, et on peut dire avec vérité qu’ils ne manquent que s’être vivifiés pour être parfaits. Ses trois grâces sont comme les autres des copies exactes d’après les formes humaines, ici de trois toute jeunes filles rendus avec grande vérités, et autant qu’il me semble au dépend de la suprême beauté, car les parties d’ailleurs les plus replaites au corps feminin le sont moins puisqu’à peine ses modeles ont-ils en l’âge de la maturité; mais je ne dis pas pour celà que le Sculpteur a eu tort, il s’agit du principe adopté ou de rendre les grâces des beautés achevée ou des beautés naissantes, il les a rendu ceҫi et celà avec toute la vérité et beauté possible, et l’amour, qui est assis à leurs pieds, est d’une beauté achevée. Je nomme pas iҫi tous les ouvrages du fameux sculpteur puisque je me réserve d’en faire mention dans un article apart.
L’Elève de Thorwaldsen Tenerani de Carara est déjà un très habile sculpteur, qui suit les traces de son célèbre Maître de bien prèt. Il vient d’achever une Psyché et une Vénus du pied de laquelle l’Amour tire un Epine, deux ouvrages charmant, c’est lui, qui ébauche le marbre des statues de Thorwaldsen, et il les achèvent jusqu’à la dernière retouche avec une precition et une habilité admirable. L’artiste de notre Academie, Freund, qui est aussi l’écolier de Thorwaldsen paraît faire de bons progrès. Il a fait le buste en marbre du peintre danois Jensen, lequel est ressemblant et bien travaillé; il a fait une figure féminine représentant l’innocence avec un brebis, la figure humaine est louable, le brebis trop mince; les modèles des statues drapés des Apôtres destinees pour la catédrale à Copenhague ont de la variété et du merite, et le commencement de l’un en terre glaise démontre son habilité encore, la figure n’etoit point drapée, mais les formes du corps humain étoyont bien données d’après le modèle. Il donne des belles esperances, et il paraît aimer son art. Quelle belles traces n’a-t-il pas a suivre et quelle émulation; car Thorwaldsen est tout aussi grand sculpteur en figures drapées – (ceux de la comt[esse] Ostermann et de la Pr[incesse] Baratinsky le prouvent) qu’en en bustes qu’en statues et basreliefs.
L’après dîner nous reҫûmes des visites, et je fis la connaissance de l’Ambassadeur de France, le comte Blacas, homme très polis, mais qui a toute la raideur et le froideur des Ultra – royalistes, dont il étoit le chef auprès du Roi en 1814 – parmi les autres envoyés celui d’Hollande le eheval. Rheinhold est des plus aimables, ainsi que son épouse. Parmi les indigènes nous vîmes un cardinal Guidoni bon vivant et bon parleur, mons. Riario, homme fin et très poli, le Senateur de Rome, Prince Altieri, le marquis Massimi, tous les deux mariés à des filles du Pr. Xavier [Xaver] de Saxe et à ce qu’on dit des femmes d’esprit, le banquier Torlonia, Duc de Brasciano et son épouse, parée avec des diamans d’une valeur considérable et très aimable femme, leur fille marie au marq. Marescotti, frère très laid de la Duchesse Lanti à Florence & c.