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La glyptothèque est un beau et grand monument dont le plan est très simple. Toutes les salles sont très bien disposées. La première aile est consacrée à l’art égyptien; la seconde, à l’art qui a précédé le style égyptien; et la troisième est pour les frontons trouvés à Égine; la quatrième, à l’art grec, où il se trouve des monuments admirables. Les plafonds de ces salles sont riches quoique larges et grandioses. Les caissons sont décorés de rosaces dorées. Dans la salle des sculptures d’Égine, les sculptures du plafond sont colorées comme on présume qu’elles l’étaient dans le temps primitif de l’art. M. Reuze a fait faire une petite copie du fronton d’Egine ; il l’a fait colorer avec ces teintes qui n’ont pas la prétention d’imiter la nature, mais seulement d’enrichir l’art. Je n’approuve pas cette bariolure; cela ôte à la sculpture sa noble gravité. Dans les deux salles qui suivent, il n’y a point de sculptures; ce sont des salles de réunion; les plafonds sont peints par Cornélius ; les sujets sont tirés de la guerre de Troie. C’est là que l’on voit le génie sauvage et tudesque du temps d’Albert Dürer ; mais tous ces Grecs ont plutôt l’air de vieux chevaliers germains que ces héros si simples d’Homère. Je ne crois pas que Cornélius ait jamais approfondi les secrets du coeur humain; très souvent il en est distant sous ce rapport. Par exemple, un Grec arrache le petit Astyanax des bras de sa mère pour le jeter par-dessus le mur de Troie; Andromaque s’évanouit, afin que le soldat ait le temps de faire son affaire. Certes, ce n’est pas connaître le coeur d’une mère, surtout d’une femme grecque. La couleur répond bien au dessin; elle est dure et fausse, mais les figures ont une très grande saillie. Je crois qu’il faut au contraire que les figures qui sont dans un plafond ne soient pas d’une couleur et d’un relief trop puissants, parce qu’elles ont l’air de vous tomber sur la tête. L’Apothéose d’Homère par Ingres est admirablement bien comprise; l’effet de ce tableau donne de l’élévation au plafond. Les salles suivantes sont consacrées à l’art romain et la dernière salle est consacrée à l’art moderne. Il y a un Paris et une Hélène de Canova, et le fameux Eudymias, de Thorwaldsen. Cette figure est toute de la main de ce sculpteur; c’est une figure de convention faite avec des figures antiques; la tête est trop petite et laidement nulle; enfin cette figure est condamnée à rester toujours dans la même pose; elle est pétrifiée par le génie antivivant de son auteur. Quand cet homme ne vivra plus, sa grande réputation s’évanouira. Ce lourd et matériel Danois n’a aucune sensibilité dans le coeur; il a des nerfs de fil de fer. Voyez, au contraire, les figures de Canova; elles pourraient marcher, remuer, mais il semble qu’elles comprennent que leur attitude est si gracieuse qu’elles feraient de la peine aux spectateurs si elles changeaient.
Toutes les salles sont revêtues de marbre extrêmement foncé, ce qui fait paraître les figures antiques comme toutes neuves. L’architecture du dehors est assez belle, mais les profils manquent de caractère.
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