Monsieur
Je m’empresse de vous accuser réception de votre lettre du 15 Mai 1817, qui nous a fait le plus grand plaisir. En consentant à vous charger de l’exécution du monument qui doit être érigé pour le Prince Poniatowski, vous tranquilisez la Nation ; elle est sure que son voeu sera dignement rempli. Nous nous flattons, Monsieur, qu’il ne doit pas vous être indifférent d’attacher votre nom à un monument que, par un exemple si rare dans l’histoire, la Nation adjuge d’une manière si noble et si unanime, non à un Souverain mais à un concitoyen et à son contemporain. Nous nous étions adressés à tous les artistes qui par leurs talents jouissent en Europe d’une réputation méritée, parce que nous attachons le plus grand prix à ce que l’exécution réponde à notre attente; mais de toutes les réponses que nous avons reçues, la votre, Monsieur, convient le mieux à l’esprit national. J’ai donc l’honneur de vous répondre au nom de ceux qui m’ont confié la direction de cette affaire et de vous déclarer, qu’accédant au prix de douze mille écus romains que vous avez fixé, nous espérons que vous n’epargnerez aucun soin pour que la réussite réponde à notre attente et à la confiance que nous avons mise en vous. Dès que l’assentiment de Sa Majesté Impale. et Rale. notre Auguste Souverain et ses ordres définitifs que nous venons de demander, pour l’indication de la place où doit être élevé le monument, nous seront parvenus, nous nous empresserons de prier S.A. Monseigneur le Prince Stanislas Poniatowski, de vouloir bien se charger de faire avec vous, Monsieur, le contrat dans les formes réquises, et nous lui démontrerons à cette occasion que nous avons déja entre nos mains des sommes plus que suffisantes pour notre entreprise, et que nous attendons incessamment la rentrée de sommes beaucoup plus considerables. Nous avons cru devoir faire la démarche ci dessus près de notre Souverain afin d’être assurés qu’il ne puisse être mis aucune entrave à l’exécution du monument projetté. En envoyant au Prince Stanislas les plein-pouvoirs pour la transaction, ou bien à la première occasion qui se présentera pour l’italie, nous nous empresserons de vous envoyer tout ce qui peut contribuer à vous faire saisir la ressemblance du feu Prince Poniatowski, en attendant il nous importe de nous entendre sur plusieurs points essentiels.
1o Nous desirerions avoir sous les yeux une esquisse de la pose de la figure, et du mouvement que vous desirez donner tant à la figure qu’au cheval.
2o Il est bien essentiel que le cheval ait les formes parfaites; bien entendu qu’il s’agit d’un cheval oriental et nullement de formes prises d’après les chevaux européens. Le cheval de Marc aurele à Rome, est le seul modèle qui approche du beau idéal d’un cheval arabe, encore est il un peu trop pesant. Si le calme de ce cheval ne répond pas à nos idées, on pourrait donner un autre mouvement aux parties. L’esquisse de votre idée nous tranquiliserait donc entièrement, car c’est un détail auquel on attachera beaucoup de prix dans notre pays. Le Prince était réputé le meilleur cavalier de son tems et montait toujours les plus beaux chevaux; ce Souvenir est profondément gravé dans tous les esprits.
3o Comme il nous importe extrêmement que la fonte soit parfaite, afin de ne rien perdre de la beauté de votre ciseau, nous desirerions savoir votre opinion sur le fondeur qu’on pourrait employer. Si c’était à un artiste de Rome que vous voulussiez confier cet ouvrage, nous lui demanderions le dessein des fours et instrumens qu’il faudrait préparer afin que l’exécution ne rencontre point de difficultés.
4o Etant entouré de gens du métier, il vous sera très facile, calculant d’après tel ou tel autre monument fondu à Rome, de savoir aproximativement le poids que le notre poura peser et parconséquent de nous dire quelle sera à peu pres la quantité du métal qu’il faudra tenir prêt, et dans quel genre.
5o L’exécution de l’objet principal, qui est la statue même, vous étant confiée, c’est aussi vous même, qui devez demander à un architecte de votre choix, un dessin du piédestal, dont vous voudriez bien lui donner l’idée.
Il serait important aussi de nous entendre sur le genre du marbre qui serait à employer, sur la manière de le transporter; si le marbre, le porphyre ou le granit même du pays ne pourrait pas y être employé &c.
6o Nous nous flattons également que vous voudrez bien couronner cet ouvrage en y ajoutant deux bas-reliefs, représentant deux des principaux momens de la vie du Prince; les deux autres faces étant destinées aux inscriptions.
Veuillez, bien, Monsieur, agréer l’expression de mes sentimens d’estime et de considération,
Varsovie le 1er. Juillet 1817. | de votre très humble serviteur |
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(P.S. Veuillez, je vous prie, m’indiquer votre adresse.) | S Mokronoski |