Monsieur
Venant de recevoir Votre gentille lettre, unie à la superbe gravure que Vous avez bien voulu y joindre, je ne puix m’empêcher de Vous faire connaitre autant les sentimens de ma reconnoissance de Votre gentillesse que le parfait plaisir que m’a causé la vue d’un chef d’oeuvre de la gravure, pour sujet duquel Vous avez voulu choisir mon portrait. Permettez moi donc Monsieur de Vous dire, que aussi embarrassant qu’il m’est, de voir rendu mon portrait l’objet des fatigues d’un artiste tel que Vous, autant il me doit être agréable de le voir traité par Votre burin habil puisque par cet ouvrage Vous avez rendu au monde l’avantage de posseder un chef d’oeuvre de la gravure de plus. Je ne me permets point de parler de la ressemblance, puisque ayant parfaitement rendu le superbe original de Mr. Camuscini, il Vous aurait été impossible de la manquer, seulement permettez moi de Vous dire, que rarement j’ai vu rendu la difference et les nuances de la chair et de l’etoffe avec cette précision et cette force comme dans Votre gravure, ce qui le rend plutôt une peinture même. Je regrette fort de ne pouvoir que par ecrit Vous faire connoitre combien je suis sensible à l’aimable manière de laquelle Vous avez voulu me faire tenir Votre excellent ouvrage, et combien j’en estime la valeur, cependant ayant appris que dans le cours de cet hyver, nous pourrions peut être nous rejouir d’avoir le plaisir de Vous voir à Rome, je me reserve à ce point la de Vous exprimer à haute voix autant ma veritable et vive reconnoissance de Votre gentillesse, qu’a Vous présenter moi même les sentimens de la parfaite consideration avec laquelle j’ai l’honneur de me dire
Monsieur
Rome ce 9 Ottobre 1823. | Votre dévoué Albert Thorwaldsen |