Charcof, dans l’Ukraine russe
1823. le 10/22. Septembre.
Monsieur le Chevalier,
C’est avec infiniment de peine que j’ai appris par la voie de Monsieur Holberg, qu’au départ de sa dernière lettre datée le 2. Avril nouveau Style l’année courante, aucun des deux Exemplaires du Buste de l’Empereur Alexandre n’avoit été terminé. Dans une de ses lettres precédentes Mr. Holberg m’avoit annoncé depuis longtems qu’il Vous avoit remis l’année passée la somme, due pour un Exemplaire, avec un surplus d’environ 600. francs qui vous garantit l’acceptation de l’autre.
Lorsqu’au mois de Juillet 1821 je revins ici de Rome je fis part aux membres de l’Université de l’acquisition du Buste de l’Empereur que sur leur invitation j’avais faite. Je leur produisis la lettre où Vous me specifiates le prix de chaque buste et le terme pour lequel vous vous chargeates de les achever. C’étoit pour le mois de Decembre de l’année vingt et un. La majorité des membres consentit à me fournir d’avance la plus grande partie de la Somme, due pour l’Exemplaire destiné à l’Université. Je fournis le reste; et au surplus, l’avance sur le payement pour l’autre Exemplaire que je destine pour moi même. – D’après les plus larges calculs, et après avoir admis les chances les plus désavantageuses, je comptai pour sûr avoir le buste à Pétersbourg au printems de l’année courante. Et quand Mr. Holberg me comuniqua qu’un des Bustes etoit terminé, et qu’il vous avoit remis l’argent, tout doute disparut. Je portai desuite cette circonstance à la connoissance de l’Université. On prepara dans la Salle un piédestal et on voulait y placer le Buste de S: M: pour l’Anniversaire de Sa fête le 11. Septembre n.s., jour de réunion solemnelle à l’Université. Mais au lieu d’annoncer à l’Assemblée l’acquisition du Buste, comme on etoit sûr de pouvoir le faire, on a été obligé d’expliquer l’apparition d’un massif piédestal vuide. Je vous supplie Monsieur le Chevalier de vouloir bien entrer dans ma position. Je me vois fortement compromis! Il vous coute si peu de me tirer de l’embarras le plus désagréable. Vous avés annoncé plus d’une fois à Mr. Holberg qu’il ne vous restoit qu’a retoucher un peu le Buste pour l’achever. J’ai assés de confiance, Monsieur le Chevalier, et dans Vos principes et dans Votre caractère, pour être sûr qu’après la réception de cette lettre vous aurés la bonté de remettre sans plus de delai un Exemplaire du Buste à Mr. Holberg. Vous conserverés les six cents francs environ, sur le payement de l’autre Exemplaire; et je Vous prie de m’informer quel est le nouveau terme que vous fixerés pour achever cet autre Buste; afin que je puisse prendre d’avance mes mesures pour vous faire parvenir à tems le restant de la somme. Veuillés adresser votre lettre à Brody en Galicie aux soins du Mr. Gregoire Preczinsky, qui me La transmettra. Si vous remettés le premier Exemplaire incessamment après la reception de cette lettre, il pourroit partir avec les derniers vaisseaux et arriver à Pétersbourg avec les tous premiers vaisseaux du printems prochain. Comme ce terme surpasse de plus de deux années celui, que dans Votre lettre vous avés bien voulû fixer pour la delivraison des Bustes, je me verrois trop cruellement exposé aux accusations de l’Université si l’arrivé du Buste eût lieu encore plus tard. Il seroit donc impossible de suspendre l’expedition de l’Exemplaire déja achévé pour attendre jusqu’à ce que l’autre fût aussi achevé. Il me faut, avant tout, le Buste pour l’Université. Je pourrai après cela avoir patience avec l’autre. Veuillés, je Vous prie Monsieur le Chevalier pardonner à mes instances; elles me sont dictées par une stricte necessité, dont l’existence ne pourroit être contéstée par personne; et agrées à cette occasion les expressions de la plus haute estime et de la consideration la plus distinguée avec lesquels j’ai l’honneur d’être Monsieur le Chevalier
Votre très humble et très obéist. serv.
Alexandre Stcherbinin