Francfort s/M. le 14 avril 1840.
Monsieur le Baron,
Une catastrophe aussi douloureuse qu’inattendue vient de plonger ma famille dans le deuil, Mon frère bien aimé, Mr. Paul de Demidoff, vient de nous être enlevé dans la force de l’âge et loin de son pays. Ses restes mortels déposés momentanément dans cette ville seront transférés a St Pétersbourg dans le cours de cette année et confiés à leur dernière demeure. Pour honorer cette tombe, Monsieur, la veuve de mon frère et moi nous avons conçu le projet de demander à votre ciseau l’une de ces nobles et simples compositions où la pensée chrétienne respire dans tout son calme consolateur: un christ attaché sur sa croix d’apres l’idée ci jointe. Ce n’est pas à vous qu’il faut dire quel sens nous attachons à cette sainte image placée sur un tombeau et quelles idées de résignation aux volontés du ciel nous voulons matérialiser. Votre génie est trop familiarisé avec toute cette sainte poësie pour n’en pas connaitre toutes les sublimes ressources.
Si vous vouliez bien, Monsieur, vous associer à notre pensée et prêter à notre pieux souvenir l’aide de votre admirable talent, je m’estimerais heureux de recevoir aussitôt que vous le pourriez faire, un dessin de la composition telle que vous l’entendez en observant dans l’attitude du sauveur
les particuliarités usitées dans le culte grec. Devant me rendre à Pétersbourg vers le mois de Juin j’attacherais beaucoup de prix à connaitre cette esquisse avant mon départ de Paris où vous auriez la bonté de me l’adresser rue St Dominique No 105 faubourg St Germain.
C’est avec les sentimens de la considération la plus distinguée que je termine, Monsieur le Baron en vous renouvelant mes instances pour une prompte réponse.
Demidoff