1838

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THORVALDSEN.

Pendant une longue suite d’années, la sculpture moderne s’est enorgueillie de deux talents émules, de deux grands noms rivaux: Thorvaldsen et Canova, que le siècle n’hésitait pas à opposer aux gloires de l’antiquité, et entre lesquels il partageait son admiration partiale. La génération actuelle a rendu justice à ces deux puissants artistes en cessant de les opposer l’un à l’autre. Tous les écrivains de l’empire qui ont parlé de l’Italie se sont crus appelés à prononcer entre Thorvaldsen et Canova; madame de Staël donne sa préférence au premier, et le comte Cicognara au second. L’ardeur de cette polémique s’est un peu ralentie de nos jours, et le sexagénaire Thorvaldsen, qui survit encore à son émule, assiste aujourd’hui au jugement de la postérité, qui aime à inscrire de si grands noms sur la même ligne.

Bertel Thorvaldsen est né à Copenhague, le 19 novembre 1770, d’un père islandais; il doit à cette origine le caractère septentrional dont sa belle tête offre le type, et qui, au dire d’un écrivain moderne, fait de toute sa personne le modèle parfait d’un Jupiter Scandinave.

Nous empruntons à un récent article de notre collaborateur M. X. Marmier quelques détails intéressants sur les débuts de Thorvaldsen. “Son père vint dans sa jeunesse à Copenhague, et s’y maria avec la fille d’un prêtre. Il y gagnait assez péniblement sa vie en ciselant des couronnes de fleurs, des arabesques, et au besoin des figures de nymphes pour les vaisseaux. La première chose qui frappa les regards de Bertel, quand il commença à réfléchir, ce fut un ciseau d’artiste, et quelques ouvrages qui ressemblaient à de la sculpture. Il alla fort peu de temps à l’école et n’y apprit presque rien. A l’àge de onze ans il commença à fréquenter les cours gratuits de dessin, et il ne tarda pas à s’y distinguer par son application. Il passa successivement par l’école linéaire, par l’école de la bosse et de dessin. En 1787, il concourut et gagna une médaille d’argent. Malgré les éloges qu’il avait plus d’une fois reçus, son ambition fut lente à s’éveiller. Son père voulait l’associer à ses travaux de ciseleur, et il n’avait rien à objecter à la volonté de son père. Souvent il allait lui porter à dîner sur quelque navire en construction, et tandis que le pauvre ouvrier se reposait de son labeur du matin, l’enfant prenait le ciseau et achevait de découper une fleur ou de modeler une figure. En 1789 il gagna un second prix , et plus tard une médaille d’or. En 1795 il remporta le grand prix, auquel était attaché le titre de pensionnaire de Rome, et une rente de douze cents francs pendant trois ans. Il se crut alors si riche, qu’il alla trouver un de ses amis qui aspirait aussi à devenir artiste, et lui offrit de l’emmener à Rome et de partager avec lui sa pension; mais son ami savait mieux que lui ce que valaient quatre cents écus, et il refusa. Thorvaldsen partit, le 20 mai 1796, sur une frégate qui devait faire voile pour la Méditerranée, et qui s’arrêta plusieurs fois dans la mer du Nord. Elle aborda à Malaga, à Alger, à Tripoli, à Malte; à la fin Thorvaldsen n’eut pas le courage de continuer plus long-temps cette expédition maritime. Il s’embarqua sur un bateau qui allait à Naples, et arriva à Rome le 8 mars 1797.

“Les premières années qu’il passa dans cette ville furent plus d’une fois traversées par d’ameres inquiétudes. Toute l’Europe était alors dans un état d’agitation qui devait se faire sentir jusque dans la retraite du savant et de l’artiste. Les grandes questions politiques étouffaient le sentiment poétique. Thorvaldsen travailla avec dévouement, avec enthousiasme, mais sans être encouragé comme il avait le droit de s’y attendre. Le terme de sa pension était expiré, et il n’avait pas encore appris à compter sur la puissance de son génie. En 1803 , il venait de modeler une statue de Jason pour payer sa dette au Danemarck; il avait épuisé toutes ses ressources et il se préparait à retourner dans son pays, quand le banquier Hope entra par hasard dans son atelier et lui commanda la statue de Jason en marbre, qu’il lui paya huit cents écus. “Ici s’arrêtent les détails de M. Marmier sur la jeunesse et les débuts de Thorvaldsen. Suivons maintenant ce grand homme au milieu des triomphes qu’il remporta dans une époque plus heureuse.

Les troubles étaient apaisés. L’Italie, dépouillée par la conquête d’une partie de ses chefs-d’œuvre, travaillait à s’en repeupler; tous les ateliers résonnaient du saint bruit des marteaux; les Borghèse, les Sommariva, une foule de partisans que la guerre avait faits princes et millionnaires, demandaient l’immortalité au marbre et à l’airain.

Thorvaldsen, en des circonstances si favorables pour un début, ne s’amusa point à caresser et à polir le marbre qui devait éterniser des grandeurs si mobiles; la fécondité fut le premier caractère de son talent encore empreint d’une sorte de rudesse native. Une foule de bustes sortirent de son atelier où ils laissèrent des épreuves en plâtre dont la précieuse collection évoque aujourd’hui encore tout l’empire aux yeux des visiteurs. L’atelier ou plutôt le musée où on les admire est un immense palais dont Thorvaldsen fait les honneurs aux plus pauvres artistes comme aux noms les plus honorables. Outre quelques originaux en marbre, il a conservé les modèles en terre ou en plâtre de toutes ses compositions, dont le nombre est prodigieux, et dont nous nous bornerons ici à indiquer les principales.

Parmi les bas-reliefs, genre de prédilection de l’artiste, et où il excelle, il suffira de rappeler le Triomphe d’Alexandre, commandé par le marquis de Sommariva , œuvre immense et qui suffirait à consacrer l’immortalité de l’auteur, Priam redemandant le corps de son fils Hector, et les Fonds de baptême.

Thorvaldsen, que son âge avancé n’a point refroidi dans son ardeur pour le travail, s’est adonné presque exclusivement pendant long-temps à l’exécution délicate d’un grand nombre de bas-reliefs représentant des allégories, parmi lesquelles on remarque surtout la Force, la Sagesse, la Santé, la Justice, et enfin le Jour et la Nuit. Nous avons choisi cette dernière pour donner, par un simple trait, une idée de la souplesse de ce talent dont les inspirations les plus spontanées se distinguent plutôt par l’énergie que par la suavité. L’achèvement de la plupart des travaux que nous avons indiqués remonte à l’an 1825 ou environ. A cette époque, que nous donnons seulement comme approximative, se rattache également l’exécution du fameux Lion suisse , que Thorvaldsen a taillé près de Berne dans un roc de 60 à 80 pieds.

Le monument de Poniatowski, où la statue équestre du héros surmonte une fontaine devant laquelle le cheval recule épouvanté comme à l’aspect de l’Elster, est, quant à l’exécution , une des productions les plus intéressantes de Thorvaldsen. Cette statue devait être inaugurée sur la grande place de Varsovie.

Les Grâces, l’Hébé , l’Adonis, sont des statues fort remarquables de ce grand homme qui semble s’être surpassé lui-même dans celles de l’Espérance et de Vénus.

Le monumentde Pie VII, qu’écrase la hauteur des voûtes de Saint-Pierre, est conçu trop mesquinement pour qu’on en puisse accuser l’artiste dont le génie aura sans doute été contenu dans les bornes d’un programme économe; cependant la statue du pontife peut soutenir la comparaison avec les plus belles statues modernes.

Mais l’œuvre colossale de Thorvaldsen, celle dont la conception appartient à la maturité de son talent, et dont l’exécution occupe encore sa vieillesse active et laborieuse, c’est la décoration sculpturale de la cathédrale de Copenhague.

Le fronton représente saint Jean prêchant dans le désert; sous le vestibule sont les quatre grands prophètes, et sur la frise, le Christ porte la croix. A l’intérieur paraissent les douze Apôtres rangés autour de l’autel d’où s’élève le Rédempteur lui-même, représenté dans des proportions colossales. C’est là que Thorvaldsen a déployé son immense talent et sa science profonde dans les trois branches de son art: le bas-relief, le haut-relief et la ronde-bosse.

Aujourd’hui encore, Thorvaldsen met la dernière main à quelques unes des parties de ce grand ensemble qui ne sera malheureusement exécuté qu’en stuc. Mais les travaux de sa spécialité n’absorbent pas seuls les loisirs de son honorable vieillesse. Thorvaldsen trouve encore le temps et la force de gravir les cinq étages de l’artiste ignoré qu’il croit digne d’encouragement, et l’auteur de cet article a eu l’honneur de le voir pour la première fois dans une mansarde de la place d’Espagne, où un peintre moins connu alors qu’aujourd’hui exécutait pour le grand maître un tableau qui lui fut payé généreusement.

En 1819, Thorvaldsen fit un voyage à Copenhague, où il fut accueilli par des honneurs mérités. Depuis 1820 il est resté à Rome; mais ses compatriotes veulent le revoir. Une souscription a été ouverte en Danemarck pour élever un musée où seraient placées toutes ses œuvres. Encore quelque temps, et ce monument national sera bâti. On espère que Thorvaldsen viendra l’inaugurer.

Generel kommentar

Dette er en trykt tekst, som blev udgivet i det franske Magasin Pittoresque i 1838. Thorvaldsens kunstneriske rivalisering med Canova omtales, lige såvel som hans ungdomstid i København, hans gennembrud med skulpturen af Jason samt det danske folks begyndende ønske om hans tilbagevenden til fædrelandet.

Arkivplacering

Småtryk 1838, NN

Emneord

Personer

Værker

A822 Jason med det gyldne skind, Tidligst 19. marts 1803 - 1828, inv.nr. A822

Sidst opdateret 10.08.2018